L'Appellation d'Origine Contrôlée Bourgogne
Qu’est-ce qu’une AOC ?
Les différentes mentions que l’on peut voir sur les bouteilles de vin servent à classifier et à hiérarchiser les vins. Les AOC (appellations d’origine contrôlées) mettent en valeur un terroir délimité géographiquement avec un cahier des charges strict. Ensuite, les IGP (indications géographiques protégées) sont situées sur des aires géographiques plus grandes et sont soumises à des pratiques moins strictes. Pour ces deux mentions, les cépages, le degré d’alcool ou encore le type de taille sont contrôlés. Enfin, les Vins de France sont une catégorie sans indication géographique avec moins de contraintes.
Les AOC en Bourgogne et leur terroir
Tout d’abord, quelques précisions s’imposent. En Bourgogne, la notion de terroir est très importante. En effet, la quasi totalité des vins est composée de Chardonnay et de Pinot noir. C’est donc le sol et le terroir qui donnent leur nom et leurs caractéristiques aux vins. On parle aussi de « Climat » pour définir une parcelle de vigne spécifique et délimitée qui possède son histoire et bénéficie de conditions géologiques et climatiques particulières.
Aussi, le vignoble bourguignon se découpe en quatre grandes régions :
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les vignobles de l’Yonne (Chablisien, Tonnerrois, Châtillonnais, Vézelien)
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les vignobles de la Côte d’Or (Côtes de Nuits, Côtes de Beaune, etc)
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les vignobles du Mâconnais, Côte Châlonnaise et Couchois (Saône et Loire)
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les vignobles du Beaujolais et Coteaux Lyonnais (Rhône) qui sont tantôt considérés Bourguignons, tantôt considérés comme une entité à part.
Au total, on compte 84 AOC (appellations d’origine contrôlées) divisées en 4 grandes catégories : régionales, communales, Premier Cru et Grand Cru.
Carte du vignoble bourguignon
L’appellation régionale existe sur l’ensemble de la Bourgogne (de Chablis, en passant par la Côte d’Or jusqu’à la Côte Châlonnaise et au Mâconnais). Elle s’identifie par la mention “Bourgogne” sur l’étiquette de la bouteille, comme par exemple “Bourgogne Aligoté”, “Bourgogne Hautes Côtes de Nuits” ou encore “Crémant de Bourgogne”. Tout vin élaboré sur cette zone de production peut porter cette dénomination. A la différence de beaucoup de régions viticoles françaises, la Bourgogne est une appellation d’origine contrôlée et non une indication géographique protégée.
Les appellations communales (Village, Premier Cru et Grand Cru) catégorisent les vins portant le nom du village dans lequel les vignes sont cultivées. On en retrouve 44 en tout et parmi elles, vous reconnaîtrez Volnay, Chablis, Pommard, Saint-Aubin et bien d'autres... Les appellations communales de Bourgogne sont de petites zones intégrées dans l’aire plus large de l’AOC Bourgogne. Ce sont donc bien les frontières de l’AOC Bourgogne qui définissent les frontières de la Bourgogne en tant que région viticole.
Les détails du projet
Mais alors, quel est le problème ?
En réalité, l’AOC Bourgogne n’a jamais été clairement délimitée depuis 1937. En effet, l’affaire ne date pas d’hier. La délimitation de la Bourgogne était déjà en question dans les années 30, mais à cause de la guerre, le dossier n’a jamais pu aboutir. En 2000, de nombreux vignerons ont souhaité rouvrir le débat jugeant la situation “problématique”. Les ambitions de cette nouvelle délimitation seraient de se baser sur des critères objectifs sans se limiter au sol, au terroir ou encore au cépage mais d’élargir aux pratiques, aux usages et au savoir-faire.
Or, la proposition annoncée par l’INAO en janvier dernier annonçait une révision “extrême” comme la sortie d’une partie de Chablis de l’appellation “Bourgogne” et l’entrée des vins du Beaujolais.
Jusqu'à présent, un viticulteur de Chablis ou des communes périphériques pouvait classer son vin dans une catégorie AOC Bourgogne, soit parce qu’il ne souhaitait pas suivre le cahier des charges de l’AOC Chablis (en produisant un vin rouge par exemple), soit parce que sa commune, bien que dans la zone de Chablis, ne bénéficiait pas de cette appellation prestigieuse.
Plus au sud, certains vignerons du Beaujolais font pression pour bénéficier d'un nom plus porteur sur les marchés actuellement. En effet, si le cépage traditionnel du Beaujolais est le gamay, interdit pour faire du Bourgogne, beaucoup de vignerons produisent désormais du vin rouge avec des Pinots Noirs. Ces vins pourraient prétendre à l’appellation Bourgogne, plus porteuse. C’est peut-être là que réside le noeud du problème ! Il peut paraître surprenant de se battre pour une “simple” appellation régionale. Mais ce n’est pas n’importe laquelle : que ce soit sur les marchés nationaux ou internationaux, la Bourgogne fait vendre.
Carte du vignoble du Beaujolais
Un mécontentement général
De quoi indigner de nombreux vignerons exploitant le vignoble bourguignon depuis des générations. "On a du mal à comprendre comment on peut proposer d'exclure de la Bourgogne des producteurs qui y sont depuis des siècles", lance Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne. D’autant plus que ces nouvelles mesures risqueraient de menacer la production générale de la Bourgogne avec des quantités disproportionnées d’AOC Bourgogne rouge, générant ainsi une chute de la valeur des précieux nectars.
"Permettre une production massive de vins sous AOC Bourgogne en Beaujolais sera de nature à créer une confusion chez les consommateurs et à les induire en erreur quant aux caractéristiques, qualités et origines des vins sous AOC Bourgogne. Ces deux régions viticoles, de par leur histoire, leur ancienneté et leur notoriété respectives, sont très différentes aux yeux des consommateurs. C'est prendre le risque de dénaturer à terme la notion même d'appellations d'origine", ajoute Bruno Verret.
En bref, deux clans majeurs se sont finalement affrontés : les vignerons du Beaujolais, déjà producteurs de vins de Bourgogne pour certains et les vignerons de Chablis, menacés de perdre leur appellation régionale.
Les autres vignerons de Bourgogne étaient aussi sur le front à cause notamment d’une importante crainte de déstabilisation du marché AOC Bourgogne Rouge avec l’arrachage du Gamay pour replanter du Pinot Noir.
La décision prise par l'INAO début février
De nombreuses pétitions à l’initiative des vignerons locaux ont circulé pour obtenir de l’aide mais aussi pour donner de la visibilité aux enjeux du projet et de ses conséquences.
Après de longues discussions entre les vignerons bourguignons et le comité de l’INAO, rien n’a finalement changé, pour le soulagement du plus grand nombre. Cependant, le sujet est loin d’être clos et un projet de révision concernant l’organisation de la Bourgogne viticole surgira dans les mois ou années à venir.