Si le sujet n’est pas des plus réjouissant, il mérite qu’on s’y arrête car non seulement la lutte contre ces champignons est une des occupations principales de nos vignerons au printemps et en été, mais elle oriente aussi leur travail tout au long de l’année. Ainsi, c’est en grande partie les fongicides utilisés pour lutter contre ces maladies qui vont définir la conduite conventionnelle, raisonnée ou encore biologique d’un vignoble.

 

Bien connaître l’ennemi champignon

Les champignons se propagent sur les feuilles et les grappes dès que la vigne commence à pousser au mois d’avril. Ils raffolent du temps pluvieux et humide, c’est pourquoi ils sont plus virulents dans les régions où la pluviométrie est importante. C’est une des raisons pour lesquelles la propension de domaines en viticulture biologique est plus importante dans le sud de la France qui bénéficie d’un climat plus sec. Les maladies que ces champignons véhiculent sont dites cryptogamiques ou encore fongiques.

 

Le mildiou 

Si vous êtes jardiniers, le mildiou est probablement la maladie dont vous avez le plus entendu parler. Ce petit champignon a également eu une place importante dans l’Histoire : il a ravagé l’entièreté des cultures de pommes de terre en Irlande au XIXème siècle. À l’époque, la pomme de terre était l’aliment principal du pays et ces pertes ont engendré la mort d’un millions de personnes en dix ans. La population des campagnes quitta alors l'Irlande pour fuir la famine, beaucoup prirent des bateaux pour les Etats-Unis et formèrent la première grande vague d’immigration du pays. À son arrivée en France à la fin du XIXème siècle, le mildiou causa d'importants dégâts en viticulture. 

Concrètement, le mildiou attaque d’abord les feuilles de la vigne. Il est reconnaissable à ses taches d’huile jaunâtres sur la face supérieure des feuilles et ses taches blanches sur leur face inférieure. C’est une maladie redoutable qu’il faut à tout prix garder loin des grappes. Dès leur contamination, les baies s'appauvrissent en jus et deviennent vite de petits raisins secs inutilisables. Son seul avantage est de n’avoir aucune influence sur le goût final du vin. 

Le mildiou se propage de feuille en feuille grâce aux éclaboussures de la pluie. D’avril à juillet, chaque averse est donc redoutée par les vignerons. En 2021, si le gel a amputé les récoltes de beaucoup de domaines, notamment en Bourgogne, dans la Loire et en Champagne, c’est le printemps extrêmement pluvieux qui a fait le plus de dégâts en Alsace par exemple où le mildiou a connu “une année exceptionnelle” comme l’indique Christophe Braun, notre vigneron partenaire alsacien à Orschwihr (près de Colmar).

 


raisin malade

 

L’oïdium

L’oïdium est aussi appelé maladie de la cendre car il forme sur les feuilles, les grappes et les branches, des tâches blanches qui s'apparentent à de la poussière. Une fois contaminées, les feuilles se nécrosent et les raisins éclatent. L’oïdium n’apprécie pas la pluie mais plutôt la rosée et l'humidité chaude. En plus d’amoindrir la récolte, ce champignon, contrairement au mildiou, altère fortement les arômes du vin. S’il est présent en grande quantité dans la récolte, des arômes de moisissure, d'herbe ou encore des odeurs d'animaux peuvent s’y développer. En bouche, cela donne des vins déséquilibrés par l’acidité, l’amertume et l’astringence. Fort heureusement, ces déséquilibres ne sont remarquables qu'au-delà d’un taux de raisins contaminés supérieur à 13%, ce qui n’arrive que très rarement ! Au moment de la vendange, la présence de l’oïdium oblige un tri supplémentaire des raisins. 

 

Le botrytis

Tout comme ses deux “partner in crime” évoqués précédemment, le botrytis se manifeste en période d'humidité et de chaleur. Il arrive plus tard dans la saison quand les baies ont changé de couleur et se sont gorgées de sucre. Son terrain de jeu favori, ce sont les raisins abîmés par la grêle ou par des morsures d’oiseaux et d’insectes. 

On le reconnaît pour les cépages blancs sous la forme de taches brunâtres sur les grappes, et pour les cépages rouges sous la forme de lignes de moisissures sur les baies. Il peut évoluer de deux manières : soit en pourriture grise qui engendre d’importantes pertes de récoltes et peut grandement altérer les arômes du vin en lui donnant un goût de moisissure, soit en pourriture noble qui brunie les baies, les assèche et augmente leur taux de sucre. 

Lorsqu’il se transforme en pourriture noble, avec les bonnes conditions climatiques, le botrytis est très recherché pour élaborer des vins blancs liquoreux de grande qualité. C’est le cas en Alsace ou encore à Sauterne dans le bordelais. Pour plus d'informations sur les vins doux, vous pouvez consulter notre article à ce sujet en cliquant ici.


maladie vigne raisin

 

La lutte contre les maladies

Des mesures préventives tout au long de l’année

Pour lutter contre ces champignons, les vignerons prennent des mesures préventives tout au long de l’année. L’ennemi principal est l’humidité, c’est pourquoi le but principal des travaux d'hiver et du printemps est de limiter les zones humides provoquées par l’entassement de la végétation. 

D’abord à la taille en hiver, étape essentielle pour réguler la végétation et anticiper l’installation des maladies grâce à une belle aération de la vigne et une exposition au soleil. Vient ensuite l’étape de l’ébourgeonnage en mai, qui consiste à éliminer les bourgeons dépourvus de grappe afin d’éviter qu’ils ne prennent trop de sève et ne créent des zones trop denses. Le relevage des fils sur les piquets permet ensuite d’étaler la végétation pour maintenir une bonne aération des ceps. Enfin, pendant l’été, les feuilles superflues sont éliminées lors de l’effeuillage pour que la végétation reste bien ventilée. 


producteur vigne la madura

 

Les vignerons adaptent toutes ces étapes en fonction de l’année et de sa pluviométrie mais aussi en fonction des parcelles, plus ou moins sensibles aux champignons. Enfin, ils peuvent choisir des pieds de vigne plus ou moins résistants lors de la plantation d’une parcelle. 

En plus de ces techniques, dans le cas du botrytis, la prévention passe également par la limitation des blessures sur les grappes qui peuvent se transformer en foyers de la maladie. Pour cette raison, une attention toute particulière est donnée à la lutte contre la grêle en installant des canons anti-grêle ou bien des filets sur les rangs qui sont de plus en plus courants dans la région de Bordeaux, par exemple. Les oiseaux ou les gibiers sont aussi réputés comme de grands mangeurs de raisins, alors pour éviter qu’ils ne viennent manger leur quatre-heure dans les vignes, des clôtures sont parfois installées autour des parcelles à cette période. Les maladies elles-même peuvent aussi être vectrices d’autres maladies, comme c’est le cas de l’oïdium qui peut être une porte d’entrée au botrytis.

 

Les traitements fongicides contre les champignons

Si les mesures préventives sont très importantes, il est presque toujours nécessaire de traiter les vignes contre ces maladies. Il existe trois types de  produits de traitements, des plus efficaces au moins efficaces : 

 

Les produits systémiques : ils fonctionnent sur le même principe qu’un vaccin, ils pénètrent dans les feuilles et circulent dans la sève. Leur période d’action est de 12 à 14 jours. 

Les produits pénétrants : comme leur nom l’indique, ces traitements pénètrent dans les feuilles, ce qui évite qu’ils ne s’évaporent avec la pluie, mais ils ne circulent pas dans la sève.

Les produits de contact : ils agissent à la surface de la plante et ont une action préventive d’une durée de  8 jours maximum s’il ne pleut pas entre temps. Les seuls produits biologiques qui existent sont des produits de contact.

 

Les traitements autorisés en viticulture biologique contre le mildiou et l’oïdium sont respectivement le cuivre et le soufre qui sont pulvérisés dans les vignes. La pratique de la viticulture bio requiert une très grande réactivité car il est parfois nécessaire de traiter plusieurs fois par semaine pour protéger la vigne pendant une période humide. Le choix du label environnemental suivi est donc un compromis entre efficacité et nocivité du traitement utilisé mais aussi entre efficacité et nombre de passages au tracteur dans la vigne. 

De manière générale, les viticulteurs sont contrôlés en ce sens au moment d’acheter les produits phytosanitaires mais aussi en fin d’année, au moment de déclarer leur Indice de Fréquence de Traitement (IFT) avec des limites à ne pas dépasser. Cependant, la propension de la surface protégée avec des traitements systémiques chimiques et parfois reconnus dangereux pour l’homme fait débat et a provoqué une vraie défiance des riverains dans les régions viticoles. Il est difficile de savoir ce qu’un tracteur est en train d’épandre… 


traitement vigne

 

Les fongicides, biologiques ou non, représentent la plus grande partie des produits pulvérisés dans les vignes avec les herbicides. Ces petits champignons redoutables sont donc très loin d’être anecdotiques. La compréhension de leurs enjeux est essentielle pour sensibiliser aux efforts que nécessitent la viticulture raisonnée et la viticulture biologique. 2021, année exceptionnelle pour le mildiou, a également été une année record pour le nombre d’arrêt de conversion biologique (la conversion complète dure 3 ans minimum). Si vous souhaitez en savoir plus sur les différents labels environnementaux, nous vous invitons à découvrir notre article dédié ici

À présent le mildiou, le botrytis et l’oïdium ne devraient plus avoir de secret pour vous. Quel que soit le mode de viticulture adopté, la lutte contre ces maladies reste un travail fastidieux et une source de stress pour les vignerons qui sont sur le qui vive jusqu’à l’arrivée des vendanges.